Exposition Le travail c’est la santé ! de Bertille Bak

 

Crieuse publique fait partie des termes qui me semblent se rapprocher le plus de ce qu’est pour moi être commissaire d’exposition – critique d’art. J’entends par là que je divulgue, je transmets, je partage des “messages”, des paroles d’artistes dans l’espace public ou, du moins, ouvert aux publics. Je raconte, je tisse des liens.

Parfois — en réalité, à chaque occasion —, les projets que je déploie sont des propositions de rencontres. Rencontre, bien évidemment, avec l’artiste, avec ses œuvres ; rencontre avec le cheminement de mes pensées ; rencontre avec mon regard.
Parfois — ou plutôt en toute circonstance —, je déploie des projets avec le souhait que ceux-ci poursuivent les échanges : avec des artistes dont la démarche me tient tout particulièrement à cœur, mais aussi en amorçant des conversations avec des connaissances, des inconnu·es.

Parfois — pour ne pas dire à chaque fois —, le déploiement de mes projets a pour point de départ l’envie de partager un moment. Un moment à partager tous et toutes ensemble.

Ensemble — voilà c’est ça.

J’ai même failli intituler cette exposition “Tous ensemble, tous ensemble, ouais ouais !”, en lien avec de vibrants moments collectifs.

 

J’ai souhaité inviter Bertille Bak pour une exposition personnelle à l’Espace d’art contemporain Les Roches, non seulement parce que je suis son travail depuis des années, comme on dévore un livre, mais également parce que sa démarche, son regard me semblent tout particulièrement nécessaires en ce moment. L’artiste crée, entre autres, des projets où la remise en question d’une situation intolérable prend corps à travers des formes de résistance partagée. Elle crée des espaces où germe une contestation collective dont les aspects drôles mettent en lumière l’absurdité d’injustices, d’exploitations.

 

À l’heure où le domaine de la culture — pour ne parler que de celui-ci — traverse de profondes turbulences, nous avons choisi de faire du travail le fil conducteur de cette exposition. Et oui, on a beau “traverser la rue” — et parfois même plusieurs —, cela ne garantit rien. Le travail ne court pas les pavés. Et quand il se présente, il n’a pas toujours fière allure. Pour certain·es, en avoir un signifie accepter des conditions précaires, parfois même l’absence de toutes conditions correctes. La chanson “Le travail c’est la santé” d’Henri Salvador résonne encore comme un clin d’œil amer, car derrière la ritournelle, il pointait l’absurdité d’un monde où le travail use plus qu’il n’élève, fatigue plus qu’il ne soigne.

Si Bertille Bak et moi avons pour point commun l’envie de conter des histoires, nous les racontons chacune à nos façons.

L’imaginaire, chez Bertille Bak n’est pas un simple refuge. Il est combat, nécessité. Le tout dans la douceur, le burlesque et la ruse. Lorsque les temps écrasent, que les récits dominants étouffent toute alternative, il devient vital de réinventer les histoires. Ce sont elles, ces histoires en apparence fragiles, qui peuvent fissurer l’ordre établi. Elles détiennent une puissance discrète : celle d’essaimer des possibles et, si ce n’est de changer la donne, au moins de faire un pas de côté.

Tout se joue, ou presque, dans et avec des pas de côté. Comme nous l’écrivons dans le texte de présentation d’Eac Les Roches, l’idée n’est pas que l’art va changer le monde, mais qu’il va nous aider à  le réinventer, ou du moins à  donner de nouvelles saveurs à  notre quotidien, nous offrir la possibilité de faire un pas de côté.

Leïla SIMON,
commissaire de l’exposition Le travail c’est la santé ! de Bertille Bak
en 2025 à Eac Les Roches

Vernissage dimanche 6 juillet à 12h
Concert dimanche 6 juillet à 15h
Exposition du 6 juillet au 31 août
Ouverte tous les jours de 15h à 19h
Entrée gratuite